Mon corps de faucon commence a se fatiguer... Mes ailes sont engourdies, et ma vision faiblit. Sous moi se trouve le village de Pobre Puerto, le seul port du continent. Apres tout, je ne suis pas encore venue ici...
Je me pose et je me transforme.
Mon dos s'affaise contre le tronc de l'arbre que j'ai choisi. Le vent souffle et je respire avec delice l'odeur salee de la mer et celle, plus douce, des fleurs melees a celle d'un gateau tout juste sorti du four, tandis que ma cheveulure noire me vole dans les yeux. Je decide alors d'observer les alentours.
Je me suis posee sur la branche d'un arbre plante dans une cour, face a la rue. Ou plutot au chemin. C'est une de ces ruelles qui sont boueuses lorsqu'il pleut, et rigides et chaotiques quand il fait sec. Pobre Puerto a toujours ete comme ca: un peu sale, un peu chaotique, un peu mou...
Les gens qui y vivent sont simples. Ils ne demandent rien, sauf de quoi vivre. Leur vie de sobriete a rendu certains lents, d'autres sont plus patients, et il y a aussi des silencieux. Ici, il n'y a pas d'egoiste, mais les gens ne sont pas genereux pour autant.
Ils parlent rarement, et repondent le plus souvent par un signe de tete. C'est bien suffisant. Ils s'etonnent rarement, et etonnent encore moins souvent. Ce sont des gens calmes.
De ma branche, je vois des jeunes se courir apres. J'apercois leurs joues sales et leurs cheveux emmeles, leurs guenilles crasseuses. Mais ils rient, ils jouent. Non, les jeunes ne seront jamais calmes.
Je peux aussi voir la mer. Elle n'est pas tres claire, mais j'entends le lointain son des vagues s'ecrasant contre les rochers. J'entrevois aussi le mat de quelques bateaux.
Je me leve et observe une derniere fois les enfants jouer, tandis que je reprends ma forme de faucon.
Je quitte ce port tranquille qui l'a toujours ete et le sera toujours...